Un drôle de titre pour une drôle de réflexion… celle-ci s’inspire d’une anecdote réellement vécue par la sœur d’une de mes lectrices, que je vous raconterai en fin de ce texte.
Jusque-là, je pensais écrire des livres érotiques simplement pour mon plaisir et celui de mes lecteurs-trices, afin de les emmener au fil de mes pages dans mon univers magique, sensuel et mystérieux. Les retours étaient positifs, j’étais enthousiaste. J’adore ce jeu d’auteure érotique sous pseudo, comme un cache-cache entre rêves et réalités. Je m’amuse, je joue, je partage, je danse avec la vie…
Puis j’ai reçu quelques commentaires qui ont modifié cette vision simpliste de mon travail : procurer du plaisir par des histoires érotiques, dans un climat sensuellement troublant, agréablement transgressif.
Écrire érotique, ce n’est pas anodin, cela ne peut se dire à tout le monde, il faut oser, et assumer. Ce n’est pas facile, le monde est resté un peu, même beaucoup, réticent à parler plaisirs, désirs, épanouissement de soi par la liberté sexuelle. Cela dérange, cela fait peur, on me lit en numérique, en cachette… Il n’est pas encore acquis de nos jours, de vivre ses envies sexuelles naturellement, sans jugement extérieur.
Les premiers commentaires qui m’ont alertée, furent suscités par mon premier livre : « Les Interdits de Claire », dans lequel une femme sage découvre sa sensualité par des rencontres inédites avec des amants de passage. Les commentaires de lecteurs masculins étaient charmés, excités, curieux de découvrir l’auteure d’une histoire aussi excitante. Quelques lectrices m’ont raconté leur trouble, leurs désirs naissants de vivre elles aussi des rencontres aussi intenses, loin de la routine de leur vie de couple… leur envie de tout envoyer balader, de quitter ce mari endormi dans la routine conjugale, pour vivre d’aventures et d’orgasmes. Hoho, attention les filles ! ai-je pensé. Certes, ces femmes sont adultes et capables de gérer la distance entre fiction et réalité, mais tout de même, j’ai senti quelque chose qui m’a alertée…
Les paroles s’envolent, les écrits restent.
L’écrivain n’est pas responsable de ce que fera son lecteur après lecture de ses mots, mais tout de même, le livre est un vecteur de pensée libre qui est parfois contagieux…
L’érotisme représente la liberté ultime, celle de la pensée associée à celle du corps,
ce qui explique peut-être les réticences de notre société à l’accepter vraiment. Peut-être pas forcément à tort, lisez- la suite…
Puis une connaissance a lu aussi « Les Interdits de Claire » ; cela a entraîné une profonde crise intérieure chez cette femme mariée de longue date ; après avoir lu ce livre, elle se décida à écrire à un ancien amant, avec qui une passion torride avait été partagée. S’ensuivit un dialogue intense entre ces deux personnes, qui pour l’instant en sont restées là, sans renouer, mais dans une atmosphère de renouveau amoureux. Oh, attention les filles ! ai-je à nouveau pensé…
Puis une lectrice m’a raconté l’anecdote dont je vous parlais en début de texte, vécue par sa soeur que j’appellerai Nina.
Nina avait terminé la lecture d’un des extraits de « Délicieuses Surprises, Double Saint-Valentin ». C’était un livre prêté par sa sœur, qui connait une auteure érotique du nom de June Summer, tiens comme c’est amusant. Nina dévore cette nouvelle, elle adore cette ambiance de séduction mutuelle, ces rires et délires, ces jeux amoureux au sein d’un couple complice et très coquin. Cela lui donne des envies, lui fait rêver d’être courtisée à nouveau, désirée, et de retrouver ces frissons de plaisirs qu’elle partageait avec son mari au début de leur relation. Elle imagine parvenir à raviver la flamme éteinte de leur mariage, de leur entente sexuelle disparue aux oubliettes dans la course familiale entre métro-boulot-dodo. On est justement le 14 février, c’est la Saint-Valentin. Son mari est commercial, il passera la journée à croiser des rappels de cette date, il reviendra sûrement avec un petit cadeau… Alors Nina se fait belle, elle met du parfum, une belle robe, elle se maquille, elle imagine un jeu amoureux comme dans le livre. Elle case les gosses chez les grands-parents, elle prépare un petit souper fin. Tout est prêt, on se croirait dans un de mes livres, quand l’héroïne se prépare à vivre une nuit torride…
Mais quand Martin rentre en fin de journée, c’est la Grande Désillusion. Il est fatigué, il n’a pas ramené de cadeau car il n’y a pas pensé, il déclare ne pas avoir faim, et se plante devant son ordinateur pour la soirée. Nina est déçue, elle s’en va pleurer dans la salle de bain en retirant sa belle robe, en se demandant si elle veut vraiment cette vie-là… Demain, ils se disputeront, après-demain, ils se diront des mots terribles, des mots qu’on devrait censurer au lieu de censurer les mots sexys.
Et moi, June Summer auteure de livres érotiques qui évoquent la vie sensuelle de couples libres et amoureux, j’ai très mal dormi en me demandant si finalement, écrire de l’érotique, ne serait pas un peu dangereux pour la paix des ménages, et des familles… ?
Alors je me prends à rêver à une autre façon de vivre cette lecture… Si seulement Nina avait pu lire mon livre avec son mari, le soir au creux de leur lit, et page après page, savourer chaque détail en se caressant tendrement. Puis ils se seraient décidés à vivre l’une des histoires lues ensemble, en se faisant une surprise mutuelle. Un autre soir, elle lui aurait préparé quelque chose dans le noir, avec des bougies aux couleurs chatoyantes, des tissus soyeux, des liens, des cordes et de la musique douce… Une autre nuit, il lui aurait réservé une chambre à l’hôtel dans une « Love room », pour la caresser et la faire jouir jusqu’au matin. Ils se seraient donné du bonheur, de la joie, des plaisirs, et auraient renforcé leur couple par la liesse de l’amour.
En conclusion, il est certain que chacun choisit ses lectures, ses rêves, ses fantasmes, ses désirs, sa manière de relier ses rêves à la réalité, et comment il communique tout cela avec son-sa partenaire. L’auteur-e n’a pas de prise dans la vie de ses lecteurs, qui sont adultes et vaccinés, ni de responsabilité directe sur les événements vécus par ceux-ci.
Mais tout de même, je commence sérieusement à me demander si finalement, la littérature érotique ne serait pas dangereuse…